Post Apo Sasha V1


Si elle avait su ? Sans doute qu'elle ne serait pas venue.

Des perturbations sur la route, avait dit le chauffeur en s'arrêtant à Eugen. Et au vu du nombre de voitures qui bloquaient le passage, le toit harnaché de valises en tout genre, elle ne pouvait que le croire sur parole. En revanche, elle déchanta rapidement quand on les empêcha de retourner dans le bus après la pause d'une heure, cueillie par un duo de policiers. Visiblement, sa mère était rentrée plus tôt de son déplacement professionnel, et un témoin les avaient vu Suzie et elle errer dans la station essence, en attendant que leur chauffeur ne reprenne la route. Super. Celui là de road trip... Coincées dans l'Oregon, avec pour tout renseignement la photo de son père imprimée, direction le commissariat le plus proche en vue de retourner aussi vite qu'elles étaient arrivées à Santa Monica. Avec la promesse d'une punition à leur hauteur de leurs exploits, elle n'en doutait pas une seule seconde. Emmenées d'office au poste quand les deux flics qui les ont ramené tente de joindre leurs parents, sans succès. L'idée que sa mère ne puisse pas répondre à un appel ne l'angoisse pas tant au début. Du moins, pas avant le lendemain, après une nuit à tenter de dormir, en garde à vue. Si Lisa avait eu les appels, elle aurait forcément tenté de joindre le commissariat, non ? Surtout après avoir déclaré sa disparition ! Alors, pourquoi n'essaie t-elle même pas de la joindre sur son portable à elle ? Les regards qu'elle échange avec Suzie sont de plus en plus angoissés, alors que parfois des bribes d'informations leur reviennent. Un hôpital en quarantaine, la perte d'une patrouille, un incendie sur la voie rapide ... Leslie, la policière qui les à ramené ici, leur offre un sourire qu'elle espère rassurant. Sans succès.

C'est finalement le 16 Octobre, que Leslie revient les chercher. Ne cherchant même pas à évoquer leurs parents qui n'ont jamais rappelé, assurant qu'elles les envoie en lieu sûr le temps que les choses se calment. Leslie les jette dans sa voiture, active la sirène, et la voiture s'élance dans les rues assez rapidement pour les empêcher de voir l'horreur qui en découle. Pourtant, Sasha l'aurait juré, d'avoir vu cette femme en talon hauts se faire dévorer à même le sol par deux personnes. Tout ce rouge était forcément du sang. Mais elle n'a pas le temps d'en dire quoi que ce soit, que Leslie les dépose finalement dans une petite safe zone à la sortie de l'autoroute. La fameuse place sûre dont elle parlait dans la voiture, donc. L'accueil est mitigée, tant par les familles en panique que les militaires qui n'ont pas du tout l'air sympathiques. Mais Leslie les protège, et les aide du mieux qu'elle peut. Eteignant son portable en espérant conserver un maximum de batterie, dans l'espoir de pouvoir appeler sa mère, sans succès. Son anniversaire n'est même pas fêté, dans tout ce bazar, et l'angoisse de ne jamais reparler à sa mère lui coupe parfois la respiration. Mais Leslie est là, ne la quitte pas, et essaie par tous les moyens de l'aider à joindre sa maman jusqu'à ce que son portable n'ait plus de batterie. Refusant que Sasha allume le sien, au cas ou un peu plus tard, elle pourrait avoir besoin de cette batterie pour tout autre chose. Quand ça serait arrangé, par exemple. Mais Sasha n'y croit pas vraiment. Moins encore, quand les rations militaires commencent à s'amenuiser, et que la chute des températures leur promet un hiver infernal. Ils n'ont pas assez de nourriture, et pas assez de vêtements chauds pour tout le monde. Alors, l'espoir diminue petit à petit. Et rapidement, les militaires décident autrement. Tous ceux qui ne seraient pas en mesure d'aider, seraient jetés dehors. Et si une vague de protestation arrive, la peur de l'extérieur et des morts incite tout le monde à jouer le jeu, quand ceux qui sont dans l'incapacité d'aider prennent leurs affaires. Parents avec enfants en bas âges, vieillards. L'idée la terrorise autant qu'elle la révolte, et si Leslie fait preuve de coffre en allant à l'encontre des décisions, cette même décision doit être prise.

Et vite.

2016 : Crossroads
Le petit campement prends vite des allures de QG militaires. L'hiver à fait connaître son lot de mort, mais Leslie à su jouer de son autorité pour assurer aux dirigeants qu'elles sauraient se montrer utiles. Et c'est le cas, pour ainsi dire. Chaque nouvelle journée les laisse Suzie et elles épuisées, mais elles tiennent bon. Aider aux barricades, au rangement, à l'entretien du camp. Elles ne crachent devant aucun nouvel ordre. Du mieux qu'elles le peuvent, en tout cas. Malheureusement, la nourriture peine à arriver, et les règles se durcissent de nouveau. Tegan, le caporal en place et faisant lieu de leader, assurant que Suzie et elles ne sont que deux bouches à nourrir de plus, et que le travail fourni ne mérite pas la nourriture qu'elles ont chaque soir dans leur assiette, contrairement aux autres. Les adultes, en somme. Et les rares ados à tenter comme elles, de s'intégrer, peinent également à s'en sortir. Leslie se retrouve à nouveau acculée, forcée de devoir faire un choix. Et la décision est finalement prise en Février 2016, à l'aube. Tirée de leur lit, forcée à se retrouver avec leurs effets dans les mains, alors qu'on leur indique la sortie. Tegan est insensible à leur supplictions, à elles deux et au petit groupe de survivants jugés inutiles, alors que le regard de Sasha se porte sur Leslie, qui baisse résolument le regard. Elle ne les accompagnera pas en extérieur. Et au fond d'elle même, son coeur se serre à l'idée qu'elle puisse les trahir de la sorte, en sachant pertinemment qu'elles n'auront aucune possibilité de survie sur le long terme. Les rôdeurs, elle les a vu. De loins, à chaque fois. Mais suffisamment pour en avoir peur, et comprendre que la survie en extérieur n'est une bonne idée pour personne.

C'est la mort dans l'âme qu'elle quitte le campement sans se retourner. Aidant Suzie à avancer, son corps secoué par les sanglots du désespoir alors qu'elle jette un regard au couple qui à également été jeté dehors. Elle s'appelle Chrissy, et son copain, Rob. Tous deux rejetés car la maladie diabétique de Chrissy la force à épuisé régulièrement les ressources du campement. Mais au moins ? Ils sont quatre, à se retrouver dans la même galère.
C'est toujours mieux que rien, non ?
C'est d'un commun accord que le quatuor décide de s'entraider, se décidant rapidement à trouver un plan. Rob est du coin, et sa toute jeune vingtaine ne l'empêche pas de savoir se débrouiller dans les ruines de la ville. Ancien facteur, il sait rapidement ou aller, et comment. Le tout, c'est de trouver une voiture pour s'en sortir. Voiture qu'ils finissent par trouver directement sur l'autoroute alentour, les autres véhicules à l'arrêt leur permettant même de se ravitailler. Si le plus gros à été pillé, tout n'as pas été récupéré, par chance pour eux quatre. Sasha parvient rapidement à mettre la main sur un couteau Bowie sagement abandonné sous un tas de vêtements d'hommes,  et Chrissy trouve même une vieille carabine. Bon, sans munitions, certes. Mais ça aurait au moins le mérite d'être effrayant pour quiconque tenterait de leur causer du tort. Réussissant enfin à démarrer un vieux camping car dans lequel les quatre s'engouffrent, évitant de justesse les rôdeurs errants sur l'autoroute et attirés par le bruits qu'ils commettent. Eugen semble perdue, le reste de l'Oregon également. C'est donc un peu par hasard que Sasha se retrouve à évoquer Seattle, et leur but premier. Coup de chance, Chrissy à de la famille la-bas. Toujours la mort dans l'âme, c'est néanmoins avec un peu plus d'espoir que le petit groupe enclenche enfin le moteur, direction Seattle.

Au moins, l'arrivée du printemps les aide à avancer. La neige peine à fondre, mais ils ne croisent pour ainsi dire aucune âme, sur les petites routes de campagnes qu'ils se trouvent forcés d'emprunter. Trouver de l'essence à au moins le mérite de se faire assez aisément face aux autres épaves de voitures qu'ils trouvent sur le chemin, et malgré leur peur panique à l'idée d'être confrontée aux morts, Rob insiste lourdement pour que Sasha et Suzie apprennent à se défendre. D'abord en le regardant faire, ensuite en prenant le relais. L'acte à quelque chose d'écoeurant, presque autant que lorsque Rob et Chrissy s'envoient en l'air dans les couchettes en pensant ne pas les réveiller en pleine nuit. Parfois, les adultes ont vraiment un problème sur le sens des priorités. Mais l'ambiance est bonne, et Rob fait d'avantage office de grand frère que d'adulte responsable. Par chance, une des vieilles pharmacies de campagne pas entièrement pillée avait encore de quoi assurer un bon stock de médicaments pour le traitement de Chrissy, qui commençait doucement mais sûrement à disparaître de leur réserve. Suzie semble s'enfoncer chaque fois un peu plus dans une sorte de déprime, quand Sasha parvient à s'ouvrir un peu plus avec leur duo de frère et soeur. La route est rallongée par leurs nombreux arrêts dans le but de trouver de quoi se nourrir, s'habiller, et même de potentiels médicaments, mais au moins cela leur permet de se faire un peu la main sur les morts. Les tuer devient un peu moins écoeurant, finalement. Comme quoi, on s'habitue à tout. Mais chaque fois que son esprit n'est pas occupé, l'inquiétude pour sa mère revient. N'osant pas allumer le portable, de peur de constater que la batterie est officiellement vide. L'espoir, c'est mieux qu'une mauvaise nouvelle.

Au courant du mois de Septembre, ils arrivent enfin à l'entrée de la ville, sans trop savoir par ou commencer. Le problème ? Chrissy leur annonce être enceinte. Et ça, ça n'était pas prévu dans le plan.

2017 : Rock you like a Hurricane
L'automne est arrivé sans doute trop vite, et leur abri de fortune du côté de Delridge ne leur assurera pas de survivre sur du long terme. Retranchés dans une vieille supérette dont ils ont colmaté l'entrée avec le camping car, le sud de la ville semble pour ainsi dire, aussi abandonnée que les routes de campagnes qu'ils ont parcourues avant d'arriver ici. Et si l'idée de revoir sa mère un jour à disparu de son esprit, c'est désormais la même chose pour l'idée de rencontrer son père. S'il n'est pas mort dans toute cette désolation, c'est tout simplement un miracle, elle ne voit que ça. Chrissy entre dans son cinquième mois, Rob commence à paniquer, et Suzie devient encore un peu plus sombre. Les morts semblent d'avantage l'attirer que les vivants, et la relation entre les deux amies s'effritent chaque jour un peu plus. Suzie lui reprochant cette idée stupide qui les a amené directement dans l'enfer, sans que Sasha ne parvienne à trouver quoi répondre pour la renvoyer dans ses buts. Rob doit intervenir de plus en plus souvent pour les séparer, et la grossesse compliquée de Chrissy ne l'aide en rien à conserver son calme. Les tensions montent, l'amitié entre eux s'effritent, mais l'espoir semble revenir au début du mois de Mars, quand ils tombent sur un petit campement de survivants non loin, vivant dans un vieux dispensaire. Les accueillant bien volontiers, proposant même d'aider Chrissy dans sa grossesse. Ca aurait pu bien se passer.
Ca aurait pu.
Chrissy était en train d'accoucher quand le moi de Mai emmena avec son lui son lot de malheur. Des pillards. Suzie et elles discutaient sur le parking extérieur, avant qu'une balle ne vienne faucher de plein fouet son amie au détour d'une conversation. Le bruit avait attiré les morts, alors que la fusillade peinait à rendre la pareille de leur côté. Rob et Chrissy étaient aux abonnés absents, Suzie venaient de mourir sous ses yeux, et dans l'horreur de l'affrontement, personne ne fit réellement attention à elle. Forcée de fuir avec le peu d'affaire qu'elle avait en sa possession, quand le grillage sensé les protéger tomba sous l'assaut des morts, attirés par le fracas des armes. Désormais toute seule dans une ville dont elle ignorait tout. Est-ce que quelque chose pouvait encore moins bien se passer ? Pas sûr...

Sasha erre de longues semaines sans trop savoir ou aller, se cachant d'appartement à l'abandon en d'autres appartements. Forcée de passer outre sa peur des morts pour survivre, s'inquiétant d'autant plus de l'absence d'eau potable alors que les fortes chaleurs de l'été arrivaient. Elle traînait sans but dans une ruelle nettoyée de cadavres, avant de se souvenir de son portable. Dans l'espoir un peu fou d'espérer joindre sa mère une dernière fois, après quelques années de silence absolu, Sasha se décide finalement à rallumer ce vieux Blackberry qu'elle aura continué de trimballer partout. Et si l'écran peine à s'allumer, c'est la notification qui suit qui lui glace le sang, sitôt le code pin entré.

Appel inconnu entrant. Un appel, qui la sidère sur le coup. Rapidement suivi d'un second. Appel inconnu. Encore. Décrochant d'une voix tremblante, alors qu'une voix au bout du combiné soupire de soulagement. On aurait jamais cru que quelqu'un décrocherait !
Elle s'appelait Lola, et venait de Seattle. Refusant catégoriquement de dire ou se trouvait son abri, pour des raisons évidentes de méfiances, alors que Sasha se retrouvait à discuter avec une parfaite inconnue, qui l'incitait à quitter son quartier pour remonter en direction des habitations les plus proches. Le pire, dans tout ça ? C'est qu'après des années à conserver son téléphone éteint, malgré son écran fissuré, ou l'état déplorable de la machine, sa batterie semblait ne jamais vouloir diminuer, leur permettant d'échanger régulièrement. C'était presque magique. Sitôt qu'elle perdait espoir, Lola l'appelait dans la seconde, comme si elle savait pertinemment que quelque chose n'allait pas. Lui prodiguant des conseils sur les endroits ou aller, de comment fortifier ses coins pour la nuit, jusqu'à l'accident, deux jours après leur première discussion. Des morts, par centaines. Visiblement coincés dans le même quartier, et qui s'était jetés dans sa direction, l'obligeant à courir à l'aveugle dans une rue dont elle ignorait tout, avec Lola en stéréo qui lui hurlait de ne pas s'arrêter, quoi qu'il en coûte. D'oublier la douleur dans ses poumons, ses larmes de paniques, ou encore cette douleur qui irradiait dans sa cheville et dont Sasha ne lui avait pourtant pas parlé. L'incitant à courir encore et encore, jusqu'à rejoindre un vieux batiment, monter les escaliers jusqu'à l'étage, et se barricader dans un vieux bureau en poussant une étagère en métal devant, avant de pouvoir se laisser tomber à même le sol, et s'endormir. Ou s'évanouir, au vu de sa fatigue actuelle. Ce n'était que le lendemain matin, qu'elle avait ouvert un oeil en sentant quelque chose de frais contre son visage, alors qu'une femme l'observait avec un sourire attendri. Lola ? Mais la brune secoue la tête, visiblement intriguée par le prénom. Se présentant comme une certaine Tessa, annonçant que son groupe l'avait trouvé évanouie dans l'étage qu'ils fouillaient, décidés à la ramener avec eux. Elle souffrait d'une insolation, et se cramponnait à un téléphone brisé, avait précisé Tessa.
Lola n'avait jamais existé. Son téléphone était mort depuis un moment, mais le soleil lui avait fait perdre la tête au point de s'imaginer une inconnue au bout du fil. Ce qui malheureusement, expliquait aussi comment Lola avait pu connaître les détails de son physique, ou la surnommer cariña comme le faisait sa mère quand elle était encore petite...

Pour autant, le groupe de Tessa ne lui disait rien qui vaille. Trop avenant, trop propres sur eux. Trop... Trop. Mais ils ont moins de la nourriture et de l'eau potable, qu'elle peut ingurgiter jusqu'à satiété, et dormir encore un peu pour se remettre de cette maudite insolation. Se décidant finalement à rester avec eux alors que l'automne arrive, en prévision d'un nouvel hiver qu'elle ne se sent pas apte à maîtriser. Et timidement, les liens se font, encore. Avec l'espoir que cette fois ci, ce soit la bonne.